Rénovation d'un quartier d'habitat social, valorisation de friches industrielles... ca me rappelle quelque chose...
Le maire peut se révéler un gestionnaire inventif
LE MONDE ECONOMIE | 08.12.08 | 11h34 • Mis à jour le 08.12.08 | 11h34
On décrit souvent le bon maire comme un élu proche du terrain et capable d'obtenir des subventions pour sa ville. Mais s'il s'agit de rénover un quartier défavorisé ou de créer de nouvelles activités, certains maires incarnent aussi une nouvelle figure du responsable public : celle d'un manager innovant déployant avec ses équipes des capacités originales de conception, de mobilisation et de partenariat. C'est ce que souligne une recherche portant sur deux grands projets novateurs de la mairie de Dunkerque ("Le maire en action : gouvernement urbain et production des politiques publiques. Michel Delebarre à Dunkerque", par Pauline Prat, in Sociologie du travail, vol.50, n°2, 2008).
Elu en 1989, Michel Delebarre est confronté à deux chantiers qui exigent un vaste effort d'innovation et de mobilisation : la rénovation d'un quartier d'habitat social et la valorisation des friches du chantier naval. Ministre, ses projets bénéficient des ressources nécessaires et de la bienveillance des autres acteurs publics. Mais le plus difficile reste à faire : donner un contenu créatif aux projets, travailler avec les partenaires prévus ou inattendus, développer des compétences inédites et maintenir le sens du projet dans la durée. En outre, selon qu'il s'agisse de moderniser un habitat existant ou de susciter ex nihilo de nouvelles activités industrielles et commerciales, le travail de conception collective doit suivre des méthodes différentes.
La rénovation du quartier d'habitat social du Carré-de-la-Vieille - décrit à l'époque comme une zone de relégation - s'inscrit dans les politiques publiques du moment. Mais l'action doit trouver un concept mobilisateur. Le concours d'un architecte de renom donne au projet sa force symbolique et justifie un budget ambitieux. Reste que les bailleurs locaux chargés du logement social (OPAC) n'ont pas les moyens financiers de l'opération. La ville consent à prêter les fonds mais, en contrepartie, elle organise un partenariat qui s'appuie d'abord sur des méthodes et des équipes de travail communes ; sont aussi contractualisés les objectifs d'innovation sociale du projet : notamment, le respect de critères de sélection des locataires et l'écoute des habitants. Invités à participer à des ateliers, les citoyens les plus actifs créeront une association emblématique de la nouvelle vie du quartier et de la démarche ouverte de la mairie.
Face aux friches du chantier naval, tout est à concevoir et aucun acteur n'est en place. Il faut faire venir des entreprises, des commerces des associations. Mais comment faire ? L'architecte retenu esquisse un grand pôle d'activités en bord de mer, mais prend soin de laisser de grandes marges de création aux futurs intervenants. Il organise ensuite de nombreux ateliers de conception avec des partenaires potentiels. En découlera un premier plan d'activités particulièrement ambitieux. Reste que celui-ci provoque la contestation des commerçants du centre-ville qui s'inquiètent de la concurrence de ce nouveau pôle. Avec l'aide de la chambre de commerce, cette opposition se transforme en contre-proposition. Le projet final repense alors l'ensemble des activités de la ville sur deux pôles reliés par un nouvel axe. Enfin, il donne naissance à un "manager de centre-ville", nouvel interlocuteur public des commerçants.
De fait, cet "agir public" inventif se révèle très proche des formes modernes de gestion de l'innovation (lire Innovation et coopération interentreprises : comment gérer les partenariats d'exploration ?, par Blanche Segrestin, CNRS, 2006). Aussi, à mieux observer l'action de certains maires, un plus grand nombre de responsables et d'experts de l'action politique renouvelleraient peut-être leur conception du management public.