Grands axes de communication et développement local

L'économie, le développement, les grands évènements...

Grands axes de communication et développement local

Messagede Pierre » Ven 6 Mar 2009 12:17

Sur http://www.asso-arlp.org/debattre/index.php?topic=303.0 on trouve une bibliographie intéressante sur le sujet. Je la recopie ici au cas où elle disparaisse de ce site:

Extraits d'article et bibliographie sur les effets présumés des autoroutes sur le développement économique

Quinet Emile, 1998, Principes d’économie des transports, 419p

En conclusion p59 : « les transports sont un facteur nécessaire mais pas suffisant de localisation (…). Si les transports contribuent à augmenter l’activité dans certaines zones, il y a bien sûr des zones où elle se réduit. (…) Cette discrimination opérée par les transports, créant des zones avantagées et des zones qui ne le sont pas, se traduit par une polarisation, c'est-à-dire un renforcement des zones fortes. (…) les réseaux autoroutiers ont développé des métropoles régionales au détriment des pays qui les entourent.(…) les revendications présentées sous l’argument d’efficacité sont en fait des arguments de répartition en faveur d’une zone géographique, qui joue à l’encontre des autres zones. Toute satisfaites, les demandes d’investissement de ce type annuleraient leurs effets, au détriment du contribuable qui aurait à payer des dépenses inutiles, et de l’intérêt général qui se trouverait privé d’investissements utiles.»

Offner Jean-Marc, 1993, "Les effets structurants" du transport: mythe politique, mystification scientifique, L'espace géographique n°3

p.1: "Effet: ce qui est produit par une cause. Impact: effet d'une action forte, brutale. Le verdict du dictionnaire paraît sans appel: c'est bien à une vision déterministe des rapports entre réseaux de transport et structures urbaines que les notions d'impact, d'effet (induit, structurant) font référence.
Or depuis la révolution industrielle du XIXeme siècle, ce paradigme de la causalité n'a pas cessé d'accompagner le développement des infrastructures de communication, du chemin de fer puis du train à grande vitesse, des voies routières puis autoroutières, des tramways puis des métros. Partageant souvent le même credo saint-simonien, hommes politiques et scientifiques voient dans le transport sinon un gage de progrès du moins un facteur explicatif des modes d'urbanisation et d'aménagement.
Mais l'administration de la preuve a-t-elle été effectuée? Rien n'est moins sûr. Et pourtant, la relation de cause à effet continue de fournir à l'économie des transports un cadre d'analyse privilégié, accepté avec empressement par l'élu local comme le législateur et le journaliste.
On voudrait ici montrer que l'usage peu circonspect de la notion d'effet structurant des transports constitue une sorte de mystification scientifique au regard des enseignements des travaux empiriques et des réflexions théoriques.
Au-delà d'un regrettable laxisme méthodologique et d'une imagination conceptuelle défaillante, c'est essentiellement à l'emploi stratégique de la rhétorique de l'effet structurant – véritable mythe politique – qu'il faut attribuer le succès d'un pseudo-concept, sans substance mais partiellement opératoire."

Téfra Martine, 1996, Economie des transports

ChapVII, Les transports et l’activité économique :
p149, effets structurants : «notion qui peut être définie comme étant « les modifications et les adaptations de comportements des individus et des groupes qui se manifestent par des changements dans les structures économiques et qui résultent de la création et de la mise en œuvre de l’infrastructure du transport.» (Plassard, 1977) Cette définition signifie que la réalisation de l’infrastructure de transport va être à l’origine des changements dans le comportement des agents économiques qui vont se traduire par une modification de la localisation des entreprises, de l’habitat, des commerces. Ces changements vont entraîner une transformation de l’espace économique. Dans ce processus, les nouvelles infrastructures de transport constituent un instrument utilisé dans les politiques d’aménagement du territoire.»
Quatre types de méthodes d’évaluation des effets structurants : enquêtes, méthodes comparatives, méthodes économétriques, méthode par les trafics :
p151, « 2-Les effets structurants liés aux infrastructures routières :
Si l’on s’appuie sur les travaux du Laboratoire d’Economie des Transports (LET), les résultats suivants peuvent être présentés : la création des autoroutes, et notamment celles de Lyon-Grenoble et de Lyon-Chambery, a surtout renforcé la domination de Paris sur les villes mentionnées. La mise en service des autoroutes s’est accompagnée de restructuration au sein des entreprises agricoles : remembrement préalable à la construction de l’autoroute, modernisation, rationalisation de la production agricole et exode rural dû au regroupement des exploitations. Pour les entreprises industrielles, de nouvelles unités de production ont été créées, compensant celles qui ont disparu. Pour ces raisons, le résultat global est peu différent de zéro. On note cependant, que les nouvelles localisations se sont effectuées à proximité de l’autoroute.»
P161, Conclusion du chapitre : «Dans la théorie économique et dans les politiques économiques, les transports constituent un instrument privilégié pour exercer des effets sur l’activité économique. Or, l’analyse des faits révèle une influence limitée, un décalage semble apparaître entre l’approche théorique et les résultats obtenus dans la réalité. Cette observation concerne notamment :
- la localisation des entreprises en fonction des coûts de transport où il apparaît que les coûts de transports représentent en moyenne 4,4% du chiffre d’affaires (estimation 1993). Ce faible résultat explique que cette variable joue un rôle marginal dans le lieu d’implantation des unités de production car elle n’a guère d’influence sur le profit des entreprises.
- L’effet structurant des infrastructures de transport est contesté dans les faits. Les investissements en transport représentent un facteur qui ne peut contribuer seul modifier l’espace économique et constituer ainsi un outil participant à l’aménagement du territoire. Cet objectif ne peut être atteint que si l’infrastructure de transport est associée à d’autres facteurs (forte disponibilité en main d’œuvre…).
- L’effet redistributif des dépenses de transport réalisées par l’Etat au profit des ménages les plus démunis (principe de justice sociale de Musgrave) n’est guère vérifié dans les faits. On observe que, par le biais des transports, l’Etat procède à un prélèvement supplémentaire d’impôts.
En revanche il semble que les investissements de transport exercent un effet sur la croissance économique (effet de production). Mais il serait plus logique de mentionner que cette influence résulte plutôt de la branche « bâtiment travaux publics » qui est consécutive à une demande d’infrastructures de la branche transports et qui se concrétise par la mise en service de routes, voies ferrées, ports…»

Quinet Emile, 1992, Infrastructures de transport et croissance, Economica

p39 , sur les études empiriques des effets de localisation : «Il ressort de ces études que les infrastructures routières sont une condition nécessaire, mais non suffisante du développement économique, et que si le terrain sur lequel elles sont implantées n’est pas convenablement préparé, leurs conséquences peuvent être nulles, voire même défavorables.»

Dron Dominique, Cohen de Lara Michel (Cellule de prospective et stratégie), 2000, Pour une politique soutenable des transports, Rapport au gouvernement (1ere édition en 1995), La documentation Française

p.29: "Nous devons constater la persistance de mythes, hissés au rang de dogmes, tels que les fausses équivalences BTP-infrastructures-désenclavement-croissance économique nationale et locale-mieux-être général, alors que le BTP ne se résume pas aux autoroutes, ni l'économie au BTP, ni le dynamisme économique local au « désenclavement », ni l'accroissement du bien-être à celui des échanges commerciaux. Nombre d'experts dénoncent la tentation déculpabilisante que peut exercer sur des décideurs un objet technique lourd tel que la réalisation d'une infrastructure de transport, dont maints exemples montrent pourtant qu'elle n'est ni nécessaire ni suffisante pour l'enrichissement économique d'une région. Depuis 1985, la Conférence européenne des ministres des transports elle-même estime que la réduction des coûts de transport ne détermine pas, dans le cas général, les décisions d'implantation d'activités.
p.266: "Le mythe du développement socio-économique par les infrastructures:
Une des idées essentielles guidant l'aménagement du territoire est que « l'irrigation » d'un territoire par des services de transport est garante de son développement et que, a contrario, leur absence ou leur insuffisance le condamne. Le plus souvent, l'assimilation est alors faite entre l'amélioration du service de transport et l'infrastructure supplémentaire. De plus, il faut différencier un catalyseur de développement d'un déclencheur économique... Or il n'est pas prouvé que la traversée d'un territoire par des services, a fortiori par des infrastructures, de transport soit garante de son développement et des contre-exemples existent. Nous constatons que si l'effet « d'irrigation » est systématiquement invoqué, l'effet inverse souvent constaté de « drainage » des zones fragiles l'est beaucoup moins. La vallée de la Maurienne est citée dans [Réf. 101, p. 17] comme un exemple d'effet de pompe (vidage d'une zone par une autoroute améliorant la liaison entre une zone à faible densité et un grand centre). Le rapport Accessibilité des zones de faible densité de population du Conseil général des ponts et chaussées et du Conseil général du génie rural, des eaux et des forêts [Réf. 101] développe ce point : parmi les effets du développement des infrastructures lourdes, on ne peut méconnaître celui de polarisation du territoire, qui est en pleine contradiction avec les motivations affichées de « rééquilibrage » qui accompagnent de nombreux projets d'infrastructures. En effet, l'accroissement des facilités d'accès à bas coût a tendance à accroître la fréquentation des villes de grande taille au détriment de leurs voisines plus petites (pour les achats, les professions, certains loisirs), ce qui accélère les déséquilibres territoriaux [Réf. 101].
J. Sivardière (Fnaut) a cité aux Entretiens de Ségur sur les transports [Réf. 30] le cas de Valence, nœud autoroutier et ferroviaire doté d’un aéroport et d’une voie d’eau à grand gabarit (Le Rhône), dont le taux de chômage reste supérieur à la moyenne régionale…A l’inverse, il rapporte le cas des Hautes-Alpes, exemple d’un développement sans autoroutes, où le solde migratoire entre les deux derniers recensement est positif alors que les élus se plaignent régulièrement d’enclavement … mais les touristes plutôt de la qualité de l’hôtellerie, semble-t-il.
Le rapport de la Cour des comptes de 1992 [Réf. 67, p. 67] soulève également ce point : « La relation de cause à effet entre infrastructures routières et aménagement du territoire est toujours invoquée : elle est rarement théorisée et, en tout cas, elle n'est pas clairement établie. La fréquence de l'argumentation, avant réalisation, a pour contrepartie la faiblesse de la preuve quantifiée, après réalisation. ». Ainsi, le développement socio-économique par les infrastructures relève plus du slogan que de la réalité."

- Denant-Boemont & C. Gabella, 1991, Les effets structurants. Analyse bibliographique, LET, Lyon
- Plassard François, 1977, Les autoroutes et le développement régional, Economica, Presses Universitaires de Lyon
- Observatoire statistique des autoroutes : SETRA
Pierre
Admin / Modo
 
Messages: 2351
Inscription: Jeu 3 Avr 2008 13:57

Retourner vers Le trafic du fromage

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré