La CDA devrait être l'entité politique naturelle où se décideraient et se géreraient tous les projets et actions "d'intérêt communautaire" (qui dépassent le cadre des communes). Petit à petit, les communes devraient céder à la CDA toutes les prérogatives correspondantes, et les citoyens devraient pouvoir à terme s'indentifier à la CDA tout comme ils s'identifient aujourd'hui à leur ville. La CDA devrait mettre en oeuvre de façon autonome (politiquement, financièrement) une véritable politique de solidarité intercommunale, où chacun partage équitablement efforts et bénéfices, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Voilà les idées-forces que nous aimerions voir sous-tendre chaque action future de la CDA.
La situation actuelle
Au niveau de ses recettes, la CDA perçoit directement la Taxe Professionnelle (TP, environ 43M€), quelques autres taxes (environ 25M€ quand même!), et des dotations de fonctionnement de la part de l'état (environ 24M€). Ces chiffres proviennent des comptes synthétiques de la CDA trouvés sur le site du ministère des finances, mais les plus récents datent de 2005 :
http://www.colloc.minefi.gouv.fr/colo_o ... au_064.pdf
Au niveau des dépenses, elle finance le fonctionnement et les investissements pour tous les domaines de compétences que les communes lui ont transférées (restauration scolaire, sport pro, transports en commun, collecte des déchets ménagers, etc...). Mais ce que beaucoup de monde ignore, c'est qu'elle reverse également beaucoup d'argent aux communes, au travers des dotations de compensation (35M€ en 2009) et des dotations de solidarité (6M€ en 2009) : ces dotations absorbent presque toute la recette de la TP !
Cela a deux effets pervers : annuler une grande partie de la mutualisation espérée des dépenses, et surtout priver la CDA de pratiquement toute capacité d'investissement. Les communes n'ont au départ transféré à la CDA que le strict nécessaire pour assurer les dépenses de fonctionnement, mais rien pour les investissements. Si la CDA a pu quand même investir depuis sa création (cuisine communautaire, PBC, stade d'eaux-vives...) c'est grâce d'une part aux dotations de l'état (merci l'état!) et d'autre part à un recours massif à l'emprunt, qui fait qu'elle est aujourd'hui très endettée.
La CDA a donc une capacité d'autofinancement faible, qui la limite (qui nous limite...) dans tous ses projets de développement. En 2005 elle n'a par exemple investit que 32M€ (dont 16M€ venaient d'emprunt ou de subventions externes), soit 221€/hab. là où les CDA de taille équivalente ont investit 354€/hab. en moyenne. Sa capacité d'autofinancement (CAF) n'est que de 85€/hab., là où Pau (et d'autres communes de l'agglo) dégagent des CAF de 270€/ha., alors que la CDA est censé porter les projets les plus lourds, ceux qui sont "d'intérêt communautaire" ( http://www.agglo-pau.fr/content/view/27/60/ ). La CDA pèse très peu par rapport aux communes en réalité.
Pour ne rien arranger, certains choix d'investissements de la CDA ces dernières années sont plus que discutables : stade d'eaux-vives à 14M€ qui s'adresse à une population marginale, bâtiment d'archives luxueux à 5M€, médiathèque de prestige à 25M€ là où un projet plus banal, mais rendant les mêmes services et beaucoup moins cher aurait été possible... Tous ces avatars de la politique passée favorisant le prestige plutôt que le quotidien ont fini de plomber des budgets d'investissement déjà faibles.
Voilà sans doute pourquoi (entre autres) Pau a renoncé à solliciter la CDA pour prendre en charges les piscines : la CDA n'aurait tout simplement pas les moyens de construire la nouvelle piscine de 50m indispensable à l'agglo ! Pau va donc la contruire seule. Mais on peut s'inquiéter pour tout le reste : comment la CDA va-t'elle pouvoir aménager la Porte des Gaves, développer un réseau de transports en commun en sites propres, et plus généralement s'occuper du développement économique, si elle n'arrive pas à investir suffisamment ? On risque tout simplement d'avoir des projets au rabais...
Pour une CDA forte, autonome, disposant de bonnes capacités d'investissement
Il faut impérativement que la CDA change de dimension. Jusqu'à maintenant les communes n'ont considéré la CDA que comme une annexe administrative et comptable sans autonomie, ni financière ni politique. Chacune y va pour défendre ses intérêts particuliers et profiter des dotations de l'état. Il faut que la CDA acquiert son autonomie politique et donc financière. Plusieurs maires en sont conscients et veulent avancer sur ce sujet. La présidente de la CDA (Martine Lignières-Cassou) a évoqué deux solutions :
- Soit que la CDA instaure sa propre fiscalité locale sur les particuliers : la fameuse "4ème colonne" pour la taxe d'habitation et la taxe foncière.
- Soit qu'elle arrête de verser la dotation de solidarité aux communes, dégageant ainsi 6M€ supplémentaires de capacité d'autofinancement.
Toucher aux dotations de compensation n'a pas été évoqué. D'une part parce que ces dotations sont assez encadrées par la loi, d'autre part parce qu'elles répondent malgré tout à une certaine logique (même si cette logique s'apparente à long terme à une rente de situation pour certaines communes) : elles garantissent par exemple qu'une commune qui aurait fait des erreurs de gestion ne pourrait pas s'en décharger sur la CDA. Par exemple Pau pourrait transférer aujourd'hui le complexe de pelote à la CDA, qui en assumerait alors le déficit. Mais la CDA réduirait d'autant la dotation de compensation versée à la ville de Pau : opération blanche pour la CDA et pour Pau, donc.
Les dotations de solidarité sont par contre une hérésie, témoin d'une vision archaïque d'une CDA pourvoyeuse d'argent pour les communes : sous prétexte de "solidarité", on distribue directement l'argent, sans rien créer. La vraie solidarité entre communes réside dans la mutualisation de ces sommes, en les utilisant directement au niveau de la CDA.
Espérons que l'intérêt général l'emportera dans les décisions qui seront prises, mais cela n'apparait pas gagné d'avance : certains maires en restent à la vision d'une CDA sans envergure, et parmi les autres la présence d'une volonté politique forte pour faire avancer ce dossier n'est pas certaine (comment interpréter le renoncement rapide de MLC à solliciter la CDA pour les piscines ?)
Annexe 1 : les communes bénéficiaires des dotations de compensation et de solidarité
Nous avons demandé les chiffres commune par commune à M.Lavignotte, vice-président de la commission finance de la CDA. Sa réponse est ici : http://www.pau.fr/question/index.php?ac ... 323_104021
Sans surprise les communes qui bénéficient le plus des dotations de compensation sont celles qui percevaient beaucoup de TP avant la CDA: Lons et Lescar, avec respectivement 518 et 470€/hab.. Loin derrière on trouve Bizanos et Pau (245 et 225€/hab.) qui sont dans la moyenne (230€/hab.). Idron et Jurançon (167 et 169€/hab.) tirent à peu près leur épingle du jeu, et toutes les autres communes sont très en dessous.
Mais la surprise est qu'en tête des bénéficiaires de la dotation de solidarité on retrouve... Lons et Lescar, avec 95 et 72€/hab.. Derrière, Pau est exactement à la moyenne (41€/hab.) et toutes les autres sont significativement en dessous. Certains vont dire qu'il est normal que Lons touche plus qu'Idron ou Lée, sa population étant moins riche, mais c'est oublier que Lons est assise sur sa rente de situation de la TP avec la dotation de compensation !
En résumé, Lons et Lescar sont les deux grandes bénéficiaires des largesses de la CDA. Pau et Bizanos se tiennent dans la moyenne, et toutes les autres communes sont en dessous, finançant de fait Lons et Lescar. Supprimer la dotation de solidarité serait déjà un moyen de rétablir partiellement l'équilibre: la somme pourrait être ainsi réellement mutualisée en étant investie directement par la CDA.
Annexe 2 : les mécanismes financiers de la CDAPP (dotations de compensation et dotations d'état)
La CDA repose sur des transferts de compétences et de fiscalité de la part des communes. Les communes avaient décidé que la CDA allait s'occuper directement d'un certain nombre de domaine (les transports en commun, les ordures ménagères, le sport professionnel, etc...), et en échange la CDA percevait directement la Taxe Professionnelle à la place des communes (et sans doute d'autres taxes, à vérifier). Jusque là c'est simple.
Mais afin de ne pas bouleverser brutalement les budgets des diférentes communes il avait été décidé un mécanisme dit "de compensation". Prenons un exemple :
Mettons que les communes X et Y percevaient l'année juste avant la création de la CDA respectivement 200€ et 300€ de TP et dépensaient respectivment 150€ et 50€ dans les activités transférées à la CDA. Dès la première année de sa création la CDA perçoit la TP (200+300=500€) et assume les dépenses en question (150+50=200€). La différence, 500-200=300€ est tout bénéfice pour elle pensez-vous ? Eh bien non : la CDA reverse en réalité ces 300€ aux communes : 50€ à la commune X, et 250€ à la commune Y. Ce sont les dotations de compensation, versées chaque année.
En résumé :
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Commune X avant CDA : TP +200€, dépenses -150€ = solde +50€
Commune Y avant CDA : TP +300€, dépenses -50€ = solde +250€
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Commune X après CDA : dotation de compensation +50€ = solde +50€
Commune Y après CDA : dotation de compensation +250€ = solde +250€
CDA à sa création: TP + 500€, dépenses -200€, dotations de compensation -300€ = solde 0€
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Deux conséquences importantes:
- Les contributions financières respectives des communes n'ont pas été modifiés par la CDA : celles qui dépensaient peu et recevaient beaucoup de TP avant la CDA ont continué à percevoir les "bénéfices" de cette situation. En d'autres termes, la mutualisation réelle était nulle au moment de la création de la CDA.
- A sa création, la CDA n'avait aucune marge de manoeuvre, ne conservant de la TP que le strict nécessaire pour assurer les dépenses déjà existantes. Mais comment comment investir dans ces conditions ? Comment dégager des capacités d'autofinancement ? Les communes se sont contentés de donner à la CDA les moyens d'assurer des dépenses de fonctionnement, rien de plus.
C'est en fait comme si vous disiez à la CDA : "Je dépense actuellement 1000€ par an pour entretenir ma voiture: je vous donne ces 1000€ par an, en échange vous entretenez ma voiture, et en plus vous m'en rachetez une le jour où celle-ci est foutue".
En l'état, la CDA ne serait pas allé bien loin. Heureusement, deux mécanismes corrigent les effets ci-dessus:
Le gel des dotations de compensation : les montants sont calculés une fois pour toutes et n'évoluent plus par la suite (sauf si de nouveaux domaines sont transférés à la CDA). Toute augmentation de la TP (simple effet mécanique de l'inflation ou nouvelles entreprises qui contribuent) est donc acquise à la CDA. Si au bout de 10 ans TP et dépenses ont augmenté de 20%, cela donne:
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CDA au bout de 10 ans: TP + 600€, dépenses -240€, dotations de compensation -300€ (inchangées!)= solde 60€
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Petit à petit, la CDA acquiert ainsi des marges de manoeuvres pour investir (et ces marges de manoeuvres sont réellement mutualisées, ne devant plus rien aux communes). Mais ce mécanisme est très lent. Par contre dès le départ il y a eu :
Les dotations de l'état : pour favoriser la création des CDA, l'état leur a accordé des dotations annuelles, représentant 25% environ des dépenses transférées par les communes. Cela donne :
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CDA à sa création : TP + 500€, dépenses -200€, dotations de compensation -300€, dotation de l'état +50€ = solde 50€
CDA au bout de 10 ans: TP + 600€, dépenses -240€, dotations de compensation -300€, dotation de l'état +50€ = solde 110€
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Il ne faut pas chercher plus loin les motivations qui ont présidé à la création de la CDA: un effet d'aubaine pour profiter de la dotation de l'état. Il n'y avait pas ni projet d'ensemble ni volonté politique forte.