Sa lettre, publiée samedi dans le JDD, vaut son pesant d'EPO :
La Légion d’honneur pour Armstrong!
Écrivain passionné de cyclisme, Christian Laborde (L’Os de Dionysos, L’homme aux semelles de swing; Le soleil m’a oublié à paraître chez Robert Laffont) nous livre une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy réclamant un ruban rouge pour honorer Lance Armstrong. L’occasion est toute trouvée: le Tour va entrer dans les Pyrénées, la patrie des ours et du Tourmalet, que la course escaladera deux fois, mardi puis jeudi.
Monsieur le Président de la République,
Je ne viens vous entretenir ni de la crise, ni de la dette, ni des retraites, juste de l’essentiel : Le Tour de France. La France, c’est le Tour. Et le Tour, c’est Lance Armstrong. Qu’il soit fait, par vous, commandeur de la Légion d’honneur! Je vois les gens honnêtes s’offusquer, les "Assis" grimacer, les procureurs s’étouffer: et le dopage? Rappelons, Monsieur le Président, que Lance Armstrong n’a jamais été déclaré positif, et souvenons-nous du général de Gaulle. Désirant remettre la Légion d’honneur à Jacques Anquetil, il fit taire les conseillers vertueux qui tentaient de le mettre en garde: "Dopage, quel dopage? A-t-il oui ou non fait jouer la Marseillaise à l’étranger?"
Lance n’a pas fait retentir la Marseillaise à l’étranger, mais il fait du bien à la France. Grâce à lui, les virages fermés du Pla d’Adet, les passages les plus éprouvants de Hautacam sont connus au Texas et, en juillet, la télé américaine diffuse des images du Tour. Grace à Lance, votre homologue à la Maison Blanche a pu serrer entre ses doigts le yellow jersey. Grâce à Lance, les Américains, que seul le Super Bowl ferait vibrer, se passionnent pour le Tour. Leur enthousiasme, nous le lisons sur le revêtement granuleux de nos cols où des "Texas Pride", des "Go, Lance, go!" sont écrits à la peinture blanche. Oui, grâce à lui, l’Amérique connaît le Tour et, chaque année, des Américains descendent dans des hôtels de Lourdes et vont escalader sur leurs vélos Trek les pentes et les lacets.
Lance n’a pas fait retentir la Marseillaise à l’étranger, mais il fait du bien au Tour, à la France et aux Français. Il résiste à tous ses adversaires, surtout au pire d’entre eux : le Temps. Aucune horloge, aucun tic-tac cruel ne l’incite à prendre sa retraite, à raccrocher, à devenir sérieux. A près de 39 ans, il est toujours là, prêt à en découdre. Grâce à Lance, ce temps qui passe et ne songe qu’à nous engloutir a tout à coup moins d’arrogance. Les exploits de Lance nous font oublier ce que, otages des agendas, prisonniers des routines, nous subissons chaque jour. Lance mérite d’être fait commandeur de la Légion d’honneur car, en sus de faire briller d’un éclat neuf nos vieilles départementales, il donne une pêche incroyable aux malades qui se battent contre le cancer. Qu’est-ce que le cancer? Anquetil a répondu à cette question en confiant à Poulidor son calvaire: "Raymond, je monte un Puy de Dôme tous les jours." Cette multiplication des Puy de Dôme, Lance l’a connue. Il a tenu, et le cancer a fini au tapis. Et celles et ceux qui affrontent ce mal terrible parlent comme lui: "Ceci est un combat pour ma vie, et ce combat, j’ai bien l’intention de le gagner."
Pourriez-vous, Monsieur le Président, remettre la Légion d’Honneur à Lance, le 22 juillet, au sommet du Tourmalet que le Boss escaladera une ultime fois avant de rejoindre Paris?
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à mes sentiments les plus respectueux.